Mon travail de recherche-action est politique #1

Il m’a été fait la remarque que le « politique » n’était pas visible dans ma façon de présenter mon sujet de recherche. Je prends donc ici le temps de détailler la base préalable à cette recherche qui expose les valeurs et principes qui m’ont amené à réaliser cette dite recherche-action.
Je souhaite commencer d’abord par poser la définition que j’entends du mot « politique » lorsque je vais le nommer ci-dessous. Pour cela, je m’appuie sur le travail de Philippe Ségur dans Le politique (1996). En partant de la terminologie anglo-saxonne, plus riche que celle française, on retrouve quatre sens : The political (le politique), polity (la société politique), policy (les politiques), politics (la politique). A partir de politics, découle des sous-domaines : politique-système partiel serait l’activité spécialisée des dirigeants de la Nation et politique-système social, qui renverrait à l’organisation globale de la société. « Dans le premier cas, on n’évoque que les institutions (gouvernement, parlement, administrations, partis, etc.) et les fonctions qui s’y exercent (exécutive, législative, diplomatique, militaire, etc.). Dans le second cas, on s’intéresse plus largement à la structure sociale et au jeu des rapports sociaux (société individualiste, collectiviste, libérale, capitaliste, etc.)»Philippe Ségur, Définir le politique;

. Le sens du mot politique que j’emploie dans cet écrit serait donc celui de politique-système social.

Ce texte a été rédigée dans le cadre de la recherche-action que je mène actuellement, il s’agit ici de continuer de questionner mes pratiques d’acteur-chercheur pour moi et également en vue de le transmettre à mes collègues de formation et mes formateurs afin de les tenir informés de mes questionnements et de mes avancées. C’est sur les conseils de Pascal Nicolas-Le Strat que je publie ici ce qui ressemble à mon journal de recherche.
L’enjeu politique sous-jacent à ce travail de recherche-action se trouve dans la création d’une forme de contre-pouvoir face à des logiques néolibérales de l’action publique et des logiques capitalistes du secteur privé. L’enjeu n’est pas d’attendre et de se rallier à un grand programme ou une grande organisation mais bien de penser cette enjeu à notre échelle. Lorsque l’État (régionalisation…) et le capitalisme (globalisation…) souhaitent nous faire penser « macropolitique » le défi est de penser « micropolitique ». Pour penser le changement, nos questionnements, nos valeurs et nos envies cela se doit d’être à l’échelle du « palpable » pour que l’on en sente les bienfaits. Cette échelle du « micro » n’est pas figée elle va de la famille à l’association en passant par le groupe d’amis, le groupe de voisins, le village, le travail… Pour le collectif Malgré Tout, dont fait partie Miguel Benasayag, le but est de « s’adonner à des pratiques de solidarité sociale, de création artistique, de pensée, etc., en abandonnant d’emblée la question du quantitatif et de la totalité »Collectif Malgré Tout, Une nouvelle radicalité;

. Ce contre-pouvoir se pense donc « ici et maintenant par la multiplication d’une infinité de pratiques créatrices alternatives qui, un peu partout, sont porteuses d’un savoir-faire différent […] »Idem ;

. Pascal Nicolas-Le strat, emploi le terme de « fabrique de l’impuissance » pour caractériser cette assignation à penser « macropolitique » et de répondre à cela qu’il s’agit d’y « opposer une multitude d’expériences au point de faire sens (démultiplication / dissémination) »Dans la vidéo de la conférence du 11 avril 2012 avec Roland Gori et Pascal Nicolas-Le Strat, dans le cadre du cycle Minimum2, sur le thème « Pratiques de terrain ? » (Expériences / expérimentation) (hors ligne pour le moment);

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C’est ici qu’entre en jeu la notion, apportée par David Vercauteren, de culture des précédentsDavid Vercauteren, Micropolitiques des groupes; Pour une écologie des pratiques collectives, Paris, Éditions Les prairies ordinaires, Collection « Essais », 2011 [2e éd. 2007].

. Elle apporte une proposition qui est de lutter contre cette amnésie collective concernant notre propre histoire « micropolitique » en tant qu’individus et collectifs. Il n’est pas tant question ici de l’Histoire avec un grand H que de l’histoire s’inscrivant dans le politique-système social. C’est à dire ce savoir-faire acquis dans l’agir : telle association qui agit juridiquement de telle manière pour trouver des logements à ceux qui en ont besoin, tel bar-resto en coopérative qui agit de telle manière pour ne pas avoir de chef-fe-s et se répartir collectivement toutes les tâches, tel groupe d’habitants qui s’organise pour acheter une fois par semaine du pain et des légumes directement aux producteurs…
Cette culture des précédents va de paire avec une capacité à se transmettre nos savoirs-faire. Cette transmission des savoirs est l’expression, la mise en forme de l’échange qu’il peut/doit y avoir entre les collectifs. Partager des expériences, se rendre compte de ses singularités et (re)connaître ce qui est commun. Par cette transmission, il n’est pas question de « normaliser » ni d’« uniformiser » les expériences et les façons de faire collectif mais bien d’opposer une multitude d’expériences faisant front tel un contre-pouvoir. Pascal Nicolas-Le Strat parle ici justement « d’une montée en latéralité plutôt qu’une montée en généralité »Pascal Nicolas-Le strat, Agir en commun / Agir le commun. Comment configurer et constituer un « commun » ?.

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C’est donc pour moi le souhait de poser comme postulat de départ, en m’appuyant sur les réflexions de Pascal Nicolas-Le strat, David Vercauteren et Miguel Benasayag, que le contre-pouvoir ne se pense pas dans un mouvement global auquel on adhère – et surtout après lequel on attend – mais bien dans la multiplicité des expériences dans l’agir, dans l’instant et dans une « montée en latéralité » ; Et que cette multiplicité peut se penser à travers différents éléments permettant une démultiplication / dissémination et la culture des précédents en fait partie.